La Cour régionale de Prešov, (Slovaquie), saisie d’un litige dans le cadre duquel une société, qui s’est vu attribuer une maison familiale à la suite d’une vente aux enchères extrajudiciaire, essaie d’obtenir l’expulsion des anciens propriétaires de l’immeuble.
Les personnes à expulser sont les bénéficiaires du prêt hypothécaire portant sur cette maison. La saisie et vente ont eu lieu en raison de leurs manquements à rembourser le prêt.
Ils invoquent la violation de leurs droits de consommateurs et refusent de quitter les lieux.
La Cour régionale de Prešov interroge la Cour de justice de l’Union européenne et lui pose deux questions préjudicielles :
- une telle procédure judiciaire relève-elle du champ d’application de la directive concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ?
- cette directive s’oppose-t-elle à une réglementation nationale qui permet l’exécution forcée extrajudiciaire d’une sûreté hypothécaire malgré l’existence d’une demande de suspension, basée sur une possible clause abusive dans le contrat de prêt.
La Cour répond par l’affirmative aux deux questions.
Pour la Cour (Grande Chambre) :
1) L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière des articles 7 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doivent être interprétés en ce sens que relève de leur champ d’application une procédure judiciaire dans le cadre de laquelle, d’une part, la société adjudicataire d’un bien immobilier constituant le logement familial d’un consommateur, vendu dans le cadre d’une exécution forcée extrajudiciaire d’une sûreté hypothécaire consentie sur ce bien par ce consommateur au profit d’un prêteur professionnel, demande l’expulsion dudit consommateur et, d’autre part, ce dernier conteste, par une action reconventionnelle, la légalité du transfert de propriété dudit bien à cette société adjudicataire, opéré en dépit d’une procédure juridictionnelle, qui était encore pendante au moment de ce transfert, visant à la suspension de l’exécution de cette sûreté au motif de l’existence de clauses abusives dans le contrat à l’origine de cette exécution, dont ladite société adjudicataire a été préalablement informée par le même consommateur. Il en va ainsi pour autant que des indices concordants aient existé, à la date de la vente concernée, quant au caractère potentiellement abusif de ces clauses, et que le consommateur ait fait usage des voies de droit dont l’enclenchement pouvait être raisonnablement attendu de la part d’un consommateur moyen, en vue d’obtenir un contrôle juridictionnel desdites clauses.
2) L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, lus à la lumière des articles 7 et 47 de la charte des droits fondamentaux, doivent être interprétés en ce sens que ils s’opposent à une réglementation nationale qui permet qu’une exécution forcée extrajudiciaire d’une sûreté hypothécaire consentie par un consommateur au profit d’un prêteur professionnel sur un bien immobilier constituant le logement familial de ce consommateur se poursuive malgré l’existence d’une demande de mesure provisoire en cours devant une juridiction visant à la suspension de cette exécution ainsi que d’indices concordants quant à la présence éventuelle d’une clause potentiellement abusive dans le contrat à l’origine de ladite exécution, et qui ne prévoit par ailleurs aucune possibilité d’obtenir par la voie judiciaire la nullité de la même exécution en raison de l’existence de clauses abusives dans ce contrat.
Pour consulter l’arrêt; suivez le lien suivant : https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=301563&pageIndex=0&doclang=FR&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=4563105.