La requête concerne la privation, au détriment de la requérante, d’une parcelle de terrain qu’elle avait achetée à des personnes privées, à la suite de décisions judiciaires faisant droit à l’action du procureur visant à restituer ce terrain à l’État. La requérante invoque l’article 1 du Protocole n° 1 à la Convention.
Par plusieurs décisions adoptées en avril 2008, l’Administration d’État du district de Borodyanka, région de Kyiv en Ukraine a attribué des parcelles de terrain de 2 hectares chacune à 109 particuliers, par voie de privatisation, pour un usage agricole individuel dont le terrain litigieux et ont obtenu les titres de propriété correspondants en juillet 2008.
En octobre 2008, Mme Kosmatska a acheté à des particuliers plusieurs parcelles d’une superficie totale de 28 hectares.
Ces parcelles avaient d’abord été propriété de l’État. Elles avaient été acquises de manière irrégulière par les vendeurs de Madame Kosmatska.
L’affaire concerne les décisions ultérieures par lesquelles des juridictions ont restitué le terrain en question à l’État, à la suite d’une action en nullité des titres de propriété initiaux introduite par un procureur.
En définitive, les tribunaux conclurent en 2015 que le terrain était sorti illégalement du domaine de l’État en raison de défaillances, notamment de possibles fraudes, survenues lors de la procédure initiale de privatisation.
La requérante invoque l’article 1 du Premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (protection de la propriété).
La requérante se plaint que le fait de la déposséder de ce terrain, sans l’indemniser alors qu’elle lesd a acquis de bonne foi, représente une mesure illégale et disproportionnée.
Pour la Cour, la manière dont la dépossession s’est déroulée viole l’article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme.
La Cour rappelle que l’article 1 du Protocole n° 1 garantit le droit au respect des biens et que toute privation de propriété doit être conforme à la loi, poursuivre un but légitime d’intérêt général et être proportionnée et que la requérante a acquis le terrain en 2008, que son titre avait été dûment enregistré et qu’elle n’avait jamais été suspectée d’avoir participé à une quelconque fraude.
La Cour observe également que les autorités ont annulé les décisions de 2008 sans entendre les propriétaires concernés, y compris la requérante, et sans déterminer quelles personnes avaient réellement été impliquées dans les irrégularités.
Elle estime que l’État ne peut se prévaloir de ses propres défaillances dans la gestion des registres fonciers ou dans le contrôle des procédures administratives pour priver rétroactivement un acquéreur de bonne foi de son droit.
En conséquence, bien que l’objectif d’intérêt général invoqué (restauration de la légalité foncière) puisse être légitime, la mesure appliquée à la requérante était disproportionnée et a fait peser sur elle une charge individuelle excessive.
Eu égard à la violation constatée la Cour considère qu’il y a lieu, au titre de satisfaction équitable de condamner l’Ukraine à assurer un redressement adéquat, soit par la restitution du terrain si elle est possible, soit — si cela n’est pas réalisable — par une compensation intégrale conformément à l’article 41.
Elle estime que la réglementation ukrainienne n’est pas conforme à la réglementation européenne et estime qu’en vertu de l’article 46, l’Ukraine doit adopter des mesures générales afin de garantir la sécurité des transactions immobilières, la fiabilité des registres fonciers et la protection des propriétaires de bonne foi, notamment lorsque les irrégularités résultent d’erreurs administratives.
Pour cette raison, la Cour :
– Constate qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole n°1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme ;
– Décide que l’Ukraine doit, par des moyens appropriés et dans un délai raisonnable, assurer la restitution intégrale du titre de propriété de la requérante sur le terrain récupéré, ou lui fournir une indemnisation financière ou un bien comparable.
Pour accéder à l’arrêt, suivez le lien : https://hudoc.echr.coe.int/fre#{%22itemid%22:[%22001-247354%22]}.

