La Cour internationale de Justice saisie par une résolution du 29 mars 2023 de l’Assemblée générale des Nations Unies (résolution 77/276), a émis, en vertu de l’article 65 du Statut de celle-ci, un avis consultatif sur les questions suivantes :
- Quelles sont, en droit international, les obligations qui incombent aux États en ce qui concerne la protection du système climatique et d’autres composantes de l’environnement contre les émissions anthropiques de gaz à effet de serre pour les États et pour les générations présentes et futures ?
- Quelles sont, au regard de ces obligations, les conséquences juridiques pour les États qui, par leurs actions ou omissions, ont causé des dommages significatifs au système climatique et à d’autres composantes de l’environnement, à l’égard :i) Des États, y compris, en particulier, des petits États insulaires en développement, qui, de par leur situation géographique et leur niveau de développement, sont lésés ou spécialement atteints par les effets néfastes des changements climatiques ou sont particulièrement vulnérables face à ces effets ? ii) Des peuples et des individus des générations présentes et futures atteints par les effets néfastes des changements climatiques ?
Dans l’avis, la Cour précise qu’il ne s’agit pas d’un avis qui doit être donné sur des cas concrets mais qui se limite à appréhender le cadre de juridique et ses conséquences sur les obligations et responsabilités des Etats en cette matière.
En réponse à la première question, la Cour énumère les diverses bases légales internationales pertinentes qui génèrent des obligations dans le chef desÉtats en ce qui concerne la protection du système climatique et d’autres composantes de l’environnement contre les émissions anthropiques de gaz à effet de serre.
Il s’agit d’abord Charte des Nations Unies admise par tous les Etats membres. Elle sert de base générale.
La Cour énumère ensuite les trois traités relatifs aux changements climatiques, à savoir la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, le Protocole de Kyoto et de l’Accord de Paris qui l’exécutent et sont des instruments complémentaires.
Ces trois traités, qui précisent les objectifs à atteindre, font partie du droit applicable le plus directement pertinent.
La Cour énumère les divers autres traités les plus pertinents à savoir, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, la Convention de Vienne pour la protection de la couche d’ozone, le Protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone, la Convention sur la diversité biologique et la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement touchés par la sécheresse et/ou la désertification.
Elle mentionne qu’il y a d’autres textes pertinents mais elle s’est limitée aux conventions les plus pertinentes.
La Cour relève également l’existence d’un droit international coutumier qui impose une obligation d’éviter les dommages à l’environnement qui comprend des obligations de diligence et de collaboration. Ces obligations de diligence et de collaboration s’apprécient in concreto dans le chef de chaque Etat en fonction de sa situation propre.
Le devoir de coopérer est une obligation est essentielle en fonction des traités sur le réchauffement climatique est une règles coutumière établie.
Le but de ce devoir est d’éviter les dommages climatiques à l’environnement face à une situation qualifiée d’urgence existentielle par la Cour internationale de Justice.
Elle mentionne, enfin, les principaux traités relatifs aux droits de l’homme, ainsi que les droits de l’homme reconnus en droit international coutumier qui s’appliquent en matière de réchauffement climatique.
Pour la Cour, il résulte de ces traités et du droit coutumier , dans le chef des Etats des obligations strictes de protéger le système climatique. Ces obligations engagent les Etats pour les générations présentes mais également les générations futures.
En ce qui concerne l’interprétation et l’application de ces règles les plus pertinentes, les principes du développement durable, des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives, d’équité et d’équité intergénérationnelle, ainsi que l’approche ou le principe de précaution, sont applicables en tant que principes directeurs.
En réponse à la deuxième question, la Cour internationale de Justice considère que les Etats qui violent les obligations climatiques qui ressortent des règles pertinentes de droit international qu’elle a listée commettent un acte illicite, susceptible de déclencher des réparations intégrales aux pays affectés, sous certaines conditions et au cas par cas.
Un Etat qui enfreint ses obligations en matière de changement climatique, commet un fait internationalement illicite engageant sa responsabilité, ce qui génère pour l’’État responsable un devoir de s’acquitter de l’obligation à laquelle il a été manqué.
Parmi les conséquences possibles, la Cour internationale de Justice cite la cessation des actions ou omission illicites, si elles se poursuivent, la fourniture d’assurance et de garanties de non-répétition des actions ou commissions illicites, mais aussi l’octroi d’une réparation intégrale aux Etats lésés sous forme de restitution, d’indemnisation et de satisfaction.
Dans cet avis consultatif, la Cour internationale de Justice ajoute qu’il faut qu’un lien de causalité suffisamment direct et certain puisse être établi entre le fait illicite et le préjudice subi.
Pour la Cour, le lien de causalité comprend deux éléments distincts :
- premièrement, la démonstration de l’attribution à la violation d’une des règles de droit mise en avant par l’Etat dont on souhaite engager la responsabilité, de la tendance ou du phénomène climatique donné aux changements climatiques d’origine anthropique, et
- deuxièmement, la démonstration de l’attribution des dommages causés par les changements climatiques à un État ou groupe d’États qui en sollicite la réparation.
En ce qui concerne les conséquences juridiques à l’égard de certaines catégories d’États « spécialement atteints » ou « particulièrement vulnérables », la Cour rappelle que l’application des règles régissant la responsabilité des États en droit international coutumier ne varie pas en fonction de la catégorie ou du statut de l’État lésé. Ainsi, les États « spécialement atteints » ou « particulièrement vulnérables » ont en principe droit à la même réparation que tout autre État lésé.
La Cour relève que la responsabilité des Etats est relative aux conséquences juridiques à l’égard des peuples et des individus des générations présentes mais également futures atteints par les effets néfastes des changements climatiques.
Elle estime que la question de savoir si des individus ont le droit d’invoquer la responsabilité juridique des États, ou de présenter une plainte, dans une situation donnée impliquant des dommages ou des préjudices résultant des changements climatiques, est fonction des obligations primaires pertinentes des États.
Enfin, pour ce qui est des conséquences juridiques d’un fait illicite, la Cour estime qu’elle ne peut pas, dans le cadre du présent avis consultatif, énoncer précisément quelles conséquences découlent de la commission d’un fait internationalement illicite consistant à manquer à l’obligation de protéger le système climatique contre les émissions anthropiques de gaz à effet de serre, étant donné que ces conséquences dépendent du manquement dont il est question ainsi que de la nature du dommage causé. De manière générale, la Cour observe que les manquements par les États aux obligations déterminées en réponse à la question a) peuvent donner lieu à tout l’éventail des conséquences juridiques prévues par le droit de la responsabilité de l’État. La Cour note également que les manquements aux obligations des États n’ont pas d’incidence sur le devoir continu de l’État responsable de s’acquitter de l’obligation à laquelle il a été manqué.
Cet avis, très attendu, même non contraignant, aura sans doute une influence dans le cadre de l’élaboration de futures législations internes mais également sur l’évolution de la jurisprudence en matière climatique, notamment, sur les litiges liés à la question des dommages provoqués par le réchauffement climatique.
Pour accéder à l’avis de la Cour internationale de Justice, suivez le lien : https://www.icj-cij.org/sites/default/files/case-related/187/187-20250723-adv-01-00-fr.pdf.