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La Cour de justice de l’Union européenne a considéré dans un arrêt du 16 octobre 2025 (C-391/23) que le règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil, du 30 juin 2021, établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique (« loi européenne sur le climat »), doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui soumet les producteurs d’électricité à partir de sources renouvelables à un impôt sur les revenus issus de la vente de leur électricité « verte » au-delà d’un certain prix fixé tout en exemptant de cet impôt les producteurs d’électricité à partir de combustibles fossiles, lorsqu’elle n’apparaît pas susceptible d’avoir, à elle seule, une influence déterminante sur la réalisation de l’objectif collectif de neutralité climatique au niveau de l’Union en 2050 ou d’avoir pour effet que l’État membre qui l’a adoptée manque ainsi à l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour permettre la réalisation de cet objectif

La Cour de justice de l’Union européenne répondait à une question préjudicielle qui lui était posée par décision de la Cour d’appel de Bucarest (Roumanie)du 7 février 2023.

Cette question est posée dans le cadre d’un litige opposant Brăila Winds SRL, une société productrice d’électricité à partir d’une source éolienne, à laDirection générale régionale des finances publiques de Bucarest, au Ministère des Finances de Roumanie, au Président de l’Agence nationale de l’administration fiscale de Roumanie et à l’Agence nationale de l’administration fiscale de Roumanie au sujet d’un impôt réclamé à Brăila Winds à concurrence de 80 % de ses revenus résultant de la différence entre le prix de vente moyen mensuel de son électricité et le prix fixé par le législateur national.

la société Braila Winds SRL produit de l’électricité au moyen d’une centrale éolienne située dans le département de Brăila (Roumanie).

L’article II de la loi no 259/2021 a introduit, à compter du 1er novembre 2021, un impôt de 80 % sur les revenus obtenus par les producteurs d’électricité résultant de la différence entre le prix de vente moyen mensuel de l’électricité et le prix de 450 RON par MWh, visé au paragraphe 1 de cet article II. Toutefois, les producteurs d’électricité à partir de combustibles fossiles, y compris par cogénération, et, à compter du 1er janvier 2022, les producteurs d’électricité à partir de biomasse sont exonérés de cet impôt.

la requérante au principal a introduit un recours devant la Cour d’appel de Bucarest, qui est la juridiction de renvoi, contre l’impôt qu’elle doit payer par lequel elle conteste la légalité des déclarations fiscales établies sur la base de celui-ci, en faisant valoir que l’impôt institué par l’article II de la loi no 259/2021 est lui-même illégal. Elle soutient, devant cette juridiction, que cet impôt instaure une discrimination à l’égard des producteurs d’énergie à partir de sources renouvelables et viole le principe de la juste répartition de la charge fiscale, le principe de prévention de la double imposition ainsi que le principe de non-rétroactivité et de prévisibilité de l’impôt, ayant pour corollaires les principes de neutralité fiscale, de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime. Elle fait également valoir que cet impôt constitue une aide d’État illégale accordée aux producteurs d’électricité à partir de combustibles fossiles, y compris par cogénération, et aux producteurs d’électricité à partir de biomasse, en violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, qu’il crée des entraves à la libre prestation de services en violation des articles 49 et 56 TFUE et qu’il est contraire aux objectifs de l’Union visant la neutralité climatique à l’horizon 2050, ainsi qu’à la politique européenne de taxation de l’énergie et à la directive 2019/944. L’ANAF conclut au rejet de ce recours en soutenant que les actes nationaux contestés sont conformes aux dispositions législatives sur la base desquelles ils ont été adoptés et qui étaient en vigueur à ce moment-là.

La Cour d’appel de Bucarest considère que la réponse à plusieurs questions lui est nécessaire pour trancher le litige dont elle est saisie.

cour d’appel de Bucarest) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Les articles 107 et 108 TFUE doivent-ils être interprétés en ce sens qu’une réglementation nationale telle que celle établie par la [loi no 259/2021], en vertu de laquelle seuls certains producteurs d’électricité sont assujettis à un impôt, constitue une aide d’État accordée à ceux qui en sont exemptés, soumise aux obligations de notification ? Une telle réglementation est‑elle discriminatoire si elle ne s’applique qu’à certains producteurs d’électricité, y compris [à] ceux qui utilisent des sources renouvelables ?

2)      Les dispositions des articles 49 et 56 TFUE et de l’article 17 de la [Charte] doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle établie par la loi no 259/2021, qui soumet à un impôt d’un montant élevé uniquement certains producteurs d’électricité (y compris ceux qui utilisent des sources renouvelables), à l’exclusion d’autres catégories de producteurs ?

3)      La directive [2019/944] s’oppose-t-elle à une réglementation nationale, telle que celle établie par la loi no 259/2021, qui pourrait être équivalente à une fixation du prix de vente/à une restriction de la liberté de fixer le prix de vente ?

4)      Les dispositions de l’article 191, paragraphe 2, TFUE relatives aux principes de précaution, d’action préventive et de correction de la pollution à la source ainsi qu’au principe du pollueur-payeur s’opposent-elles à une réglementation nationale telle que celle établie par la loi no 259/2021 ? Celle-ci va-t-elle à l’encontre des objectifs européens de neutralité climatique à l’horizon 2050 et de la politique de l’Union en matière de taxation de l’énergie ? »

La Cour de justice de l’Union européenne estime que les deux premières questions sont irrecevables.

En ce qui concerne la a première question, par laquelle la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 107 et 108 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’une réglementation nationale en vertu de laquelle seuls certains producteurs d’électricité sont assujettis à un impôt sur les revenus excédant une certaine somme constitue une aide d’État accordée aux producteurs qui en sont exemptés, soumise à obligation de notification, La Cour relève que la qualification d’une mesure nationale d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, requiert que les conditions cumulatives suivantes soient remplies. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre les États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage sélectif à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence.

La Cour d’appel n’ayant pas communiqué les éléments nécessaires pour permettre de déterminer si les conditions précitées sont remplie, la Cour de justice ne dispose pas des éléments nécessaires pour répondre de façon utile à la première question et la considère irrecevable.

La Cour de justice de l’Union européenne constate que par la seconde question, la Cour d’appel cherche à savoir si la réglementation nationale en cause au principal établit une discrimination indirecte, contraire aux articles 49 et 56 TFUE, dans la mesure où elle concerne des personnes, telles que la requérante au principal, faisant partie d’un groupe dont la société mère a son siège dans un autre État membre. En particulier, la juridiction de renvoi indique que cette réglementation pourrait avoir pour effet de dissuader ce groupe de continuer à exercer des activités de production d’électricité à partir de sources renouvelables sur le territoire de la Roumanie.

Or, la société mère dudit groupe, établie dans un autre État membre, n’est pas partie au litige au principal et que la juridiction de renvoi n’explique pas en quoi, dans le cadre du litige dont elle est saisie et qui porte sur la légalité de l’imposition dont seule la requérante au principal, filiale de cette société mère, a fait l’objet, elle pourrait être amenée à apprécier l’impact de cette imposition sur ladite société mère et, le cas échéant, à en tirer d’éventuelles conséquences, de sorte qu’elle doit être déclarée irrecevable.

En ce qui concerne la troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 2019/944 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale qui soumet des producteurs d’électricité à partir de sources renouvelables à un impôt sur les revenus issus de la vente de leur électricité au-delà d’un certain prix fixé par cette réglementation en ce qu’en soumettant certains producteurs d’électricité à un impôt sur les revenus issus de la vente de leur électricité au-delà d’un certain prix fixé par cette réglementation elle constituerait une mesure équivalente à une fixation du prix de vente de l’électricité ou à une restriction de la liberté de fixer ce prix, en ce qu’elle est susceptible d’avoir une éventuelle incidence sur la détermination dudit prix.

La Cour de justice de l’Union européenne estime que les dispositions concernées de la loi no 259/2021 ne paraissent pas constituer une mesure équivalente à une « mesure de fixation du prix de vente » de l’électricité ou à une limitation à la liberté des producteurs d’électricité de fixer leurs prix de vente, l’effet éventuel de l’impôt en cause au principal sur les prix de vente étant pour le moins éloigné et aléatoire, cet impôt se limitant, en substance, à réduire les bénéfices que ces producteurs peuvent tirer de leurs ventes, de sorte qu’il y a lieu de répondre à la troisième question que la directive 2019/944 doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui soumet des producteurs d’électricité à partir de sources renouvelables à un impôt sur les revenus issus de la vente de leur électricité au-delà d’un certain prix fixé par cette réglementation.

En ce qui concerne la quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 191, paragraphe 2, TFUE et le règlement 2021/1119  qui impose un objectif de neutralité climatique de manière collective, à l’Union et aux États membres pour 2050, s’opposent à une réglementation nationale qui soumet les producteurs d’électricité à partir de sources renouvelables à un impôt sur les revenus issus de la vente de leur électricité au-delà d’un certain prix fixé par cette réglementation, mais qui exempte de cet impôt les producteurs d’électricité à partir de combustibles fossiles.

Pour la Cour de justice, pour savoir si une mesure concrète adoptée par un État membre viole l’article 191, paragraphe 2 TFUE et le règlement 2021/1119, celle-ci doit être appréciée, au regard de toutes les circonstances de la situation dans laquelle elle s’inscrit et de toutes les mesures prises par l’État membre concerné afin de contribuer à la réalisation de l’objectif de neutralité climatique au niveau de l’Union en 2050. Or, une réglementation telle que celle en cause n’apparaît pas susceptible d’avoir à elle seule une influence déterminante sur la réalisation d’un tel objectif ou d’avoir pour effet que l’État membre qui l’a adoptée manque ainsi à l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour permettre la réalisation de cet objectif commun, eu égard, en particulier, au fait que l’application de cette réglementation est limitée dans le temps et ne paraît pas pouvoir affecter de manière significative l’émission de gaz à effet de serre.

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :

1)      La directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil, du 5 juin 2019, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et modifiant la directive 2012/27/UE doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui soumet les producteurs d’électricité à partir de sources renouvelables à un impôt sur les revenus issus de la vente de leur électricité au-delà d’un certain prix fixé par cette réglementation.

2)      Le règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil, du 30 juin 2021, établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) no 401/2009 et (UE) 2018/1999 (« loi européenne sur le climat »), doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui soumet les producteurs d’électricité à partir de sources renouvelables à un impôt sur les revenus issus de la vente de leur électricité au-delà d’un certain prix fixé par cette réglementation, mais qui exempte de cet impôt les producteurs d’électricité à partir de combustibles fossiles.

Pour accéder à l’arrêt, suivez le lien : https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=305203&pageIndex=0&doclang=fr&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=1752819.

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