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Par arrêt du 1er août 2025 (C 461/24), la Cour de Justice de l’Union européenne a considéré que la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011, concernant l’évaluation des incidences sur l’environnement ne s’oppose pas à ce qu’une législation d’un État membre qui, dans le cadre d’une procédure d’évaluation des incidences sur l’environnement d’un projet prévoie que des autorités soient consultées en même temps que le public concerné, n’habilite pas ledit public à communiquer ses observations sur les avis donnés par ces autorités

Par arrêt du 1er août 2025 (C‑461/24), la Cour de Justice de l’Union européenne a considéré que la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011, concernant l’évaluation des incidences sur l’environnement ne s’oppose pas à ce qu’une législation d’un État membre qui, dans le cadre d’une procédure d’évaluation des incidences sur l’environnement  d’un projet prévoie que des autorités soient consultées en même temps que le public concerné, n’habilite pas ledit public à communiquer ses observations sur les avis donnés par ces autorités.

Les rétroactes

Le 22 décembre 2017, Eurus Desarrollos Renovables SLU a sollicité, en sa qualité de maître d’ouvrage, auprès des autorités de la Communauté autonome de Galice l’octroi d’une autorisation administrative préalable et d’une autorisation administrative de construction des installations du parc éolien « A Raña III », situé sur le territoire de la commune de Mazaricos (Espagne). Sa demande était accompagnée de divers documents dont une étude des incidences du projet en cause sur l’environnement prévue à l’article 35 de la loi 21/2013.

Une fois les rapports préliminaires établis, la phase d’information publique a été ouverte pour une durée de 30 jours, laquelle a donné lieu à la présentation de diverses observations.

Dans le même temps, les organismes compétents dans les domaines, notamment, de la forêt, de l’eau, du patrimoine naturel et culturel, du tourisme, de la santé, de l’énergie électrique et de la sécurité aérienne ont remis leurs rapports conformément à l’article 37 de la loi 21/2013.

Le 17 juin 2022, la Dirección Xeral de Calidade Ambiental, Sostibilidade e Cambio Climático (direction générale de la qualité de l’environnement, de la durabilité et du changement climatique) de la Communauté autonome de Galice a établi la déclaration des incidences sur l’environnement prévue à l’article 41 de la loi 21/2013.

Après présentation par Eurus Desarrollos Renovables de la documentation technique qui lui était demandée, la direction générale de la planification énergétique et des ressources naturelles de la Communauté autonome de Galice lui a accordé, le 30 juin 2022, les autorisations sollicitées.

Le Tribunal Superior de Justicia de Galicia (Cour supérieure de justice de Galice, Espagne), qui est la juridiction de renvoi, est saisi d’un recours formé par l’association Petón do Lobo contre la décision implicite de rejet de son recours administratif visant à l’annulation de la décision du 30 juin 2022.

Il ressort de la décision de renvoi que, dans le cadre de son recours, cette association invoque un moyen d’annulation tiré de l’absence de soumission du projet finalement autorisé à l’information du public et fait référence, à cet égard, à un arrêt du 14 janvier 2022 de la juridiction de renvoi. Dans cet arrêt, cette dernière aurait considéré, dans une affaire analogue et sur la base de la même législation de l’État et de la communauté autonome, que, dans la mesure où cette législation omettait de prévoir la transmission des rapports mentionnés à l’article 37 de la loi 21/2013 aux intéressés afin que ceux-ci puissent présenter leurs observations, elle violait l’exigence d’information du public prévue à l’article 6, paragraphe 3, de la directive EIE.

Ledit arrêt a été infirmé par un arrêt de la Sala de lo Contencioso-Administrativo del Tribunal Supremo (chambre du contentieux administratif de la Cour suprême, Espagne), du 21 décembre 2023, au motif, notamment, que la directive EIE offrait aux États membres diverses options procédurales quant au moment auquel il convenait de procéder à l’information du public concerné et aux consultations des autorités susceptibles d’être concernées par ce projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d’environnement ou de leurs compétences locales et régionales.

La juridiction de renvoi estime, cependant, que les organes qui statuent sur des demandes d’autorisation de projets ayant des effets sur l’environnement sont tenus, en vertu de l’article 6 de la directive EIE, de prendre trois mesures préalables. Les deux premières, dont l’ordre chronologique de réalisation ne serait pas fixé, consisteraient à donner au grand public la possibilité d’être entendu sur le projet et à collecter les rapports des organismes compétents dans différents domaines. La troisième interviendrait ultérieurement et consisterait à communiquer les principaux rapports et avis de ces organismes au public concerné afin que ce dernier puisse présenter des observations avant l’adoption de la décision finale.

En effet, cette juridiction considère que l’obligation imposée aux États membres en vertu de l’article 6, paragraphe 3, de la directive EIE est claire, à savoir qu’ils doivent garantir que ces principaux rapports soient mis à la disposition du public concerné afin que celui-ci puisse exercer le droit, que lui confère le paragraphe 4 de cet article, de présenter, dans un délai d’au moins 30 jours, ses observations et avis avant l’adoption de la décision concernant l’évaluation des incidences du projet en cause sur l’environnement.

Ladite juridiction considère que les rapports visés à l’article 37, paragraphe 2, de la loi 21/2013 relèvent de l’expression « les principaux rapports et avis » figurant à l’article 6, paragraphe 3, sous b), de la directive EIE, puisque le contenu de ces rapports a un effet direct et important sur l’évaluation des incidences d’un projet sur l’environnement, lesdits rapports fournissant des informations techniques précieuses produites par les administrations spécialisées dans les domaines mentionnés à l’article 3 de cette directive. Des informations essentielles et pertinentes aux fins de l’appréciation d’un projet susceptible d’avoir « des incidences notables sur l’environnement », au sens de la directive EIE, découleraient, à tout le moins, du contenu des rapports visés à l’article 37, paragraphe 2, sous a) à g) et i), de la loi 21/2013.

Toutefois, la loi 21/2013 ne prévoirait pas de mesure postérieure à la réception de ces rapports offrant au public concerné une réelle opportunité de participer au processus d’évaluation. L’article 37, paragraphe 5, de la loi 21/2013 ne comblerait pas cette lacune, car il n’identifierait pas clairement les informations visées et il ne prévoirait, les concernant, qu’une simple « mise à disposition » et non une véritable procédure permettant de mettre en œuvre l’« habilit[ation] à adresser des observations et des avis » reconnue au profit du public concerné par l’article 6, paragraphe 4, de la directive EIE.

Par conséquent, la juridiction de renvoi estime que les articles 36 à 38 de la loi 21/2013 ainsi que les articles 33 et 34 de la loi 8/2009 pourraient ne pas avoir correctement transposé les exigences de l’article 6, paragraphe 3, de la directive EIE.

Dans ces conditions, le Tribunal Superior de Justicia de Galicia (Cour supérieure de justice de Galice), par ordonnance du 10 septembre 2024, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Quelle est la signification de l’expression « principaux rapports et avis » figurant à l’article 6, paragraphe 3, de la [directive EIE] ?

2)       Les rapports mentionnés à l’article 37, paragraphe 2, de la loi 21/2013 doivent-ils être considérés comme inclus dans les « principaux rapports et avis » visés à l’article 6, paragraphe 3, de la [directive EIE] ?

3)      Les articles 36 [à] 38 de la [loi 21/2013] et les articles 33 et 34 de la [loi 8/2009] contreviennent-ils à l’exigence imposée par l’article 6, paragraphe 3, de la [directive EIE], consistant à garantir que les principaux rapports sectoriels qui ont été rendus soient mis à la disposition du public concerné, en vue de permettre l’exercice du droit que lui confère le paragraphe 4 de cet article, en vertu duquel il peut adresser des observations et des avis et participer, dans un délai d’au moins 30 jours, au processus décisionnel relatif à la demande d’autorisation avant l’adoption de la décision en question ? »

Le raisonnement de la Cour

Pour la Cour, l’article 6 de la directive EIE prévoit, tout d’abord, à ses paragraphes 2 et 3, qu’un ensemble d’informations relatives aux projets soumis à une évaluation des incidences sur l’environnement doit être, selon le cas, communiqué au public « à un stade précoce des procédures décisionnelles […] et au plus tard dès que ces informations peuvent raisonnablement être fournies » ou mis à la disposition du public concerné « dans des délais raisonnables ». Cet article énonce, ensuite, à son paragraphe 4, que, « à un stade précoce de la procédure, le public concerné se voit donner des possibilités effectives de participer au processus décisionnel […] et, à cet effet, il est habilité à adresser des observations et des avis, lorsque toutes les options sont envisageables, à l’autorité ou aux autorités compétentes avant que la décision concernant la demande d’autorisation ne soit prise ». Enfin, le paragraphe 7 dudit article dispose que le délai fixé pour consulter le public concerné sur le rapport d’évaluation des incidences sur l’environnement visé à l’article 5, paragraphe 1, de la directive EIE ne peut être inférieur à 30 jours.

Pour la Cour, il découle de ces dispositions, d’une part, que tant la communication au public ou la mise à la disposition du public concerné des informations servant de base à la participation du public, dans le cadre du processus d’évaluation et d’autorisation des projets soumis à la directive EIE, que la possibilité donnée au public concerné d’adresser des observations et des avis sur ces informations ainsi que, plus globalement, sur le projet concerné et sur ses incidences environnementales doivent intervenir à un stade précoce et, en tout état de cause, avant la prise d’une décision., et, d’autre part, cette participation doit être effective, ce qui implique que le public concerné puisse s’exprimer non seulement de façon utile et complète sur le projet concerné ainsi que sur ses incidences environnementales, mais également à un moment où toutes les options sont envisageables.

Quant à la consultation des autorités susceptibles d’être concernées par le projet, l’article 6, paragraphe 1, de la directive EIE ne précise pas à quel stade du processus d’évaluation et d’autorisation des projets soumis à cette directive la consultation de ces autorités doit intervenir. Cette disposition prévoit, au contraire, que les modalités de cette consultation sont fixées par les États membres.

Le moment d’une telle consultation ne découle d’aucune autre disposition. Par contre, l’article 6 le paragraphe 6 de la directive EIE, s’il prévoit la consultation des autorités susceptibles et du public concerné, il n’indique pas l’ordre dans lequel ces consultations doivent avoir lieu. Une telle précision ne figure pas davantage à l’article 1erde la directive EIE, ni d’ailleurs, s’agissant des consultations devant être réalisées, le cas échéant, dans un autre État membre susceptible d’être affecté de manière notable par un projet, à l’article 7, paragraphe 3, de cette directive.

De plus, pour la Cour, l’article 6, paragraphes 2 et 3, de la directive EIE ne mentionne pas, parmi les informations devant être communiquées au public ou mises à la disposition du public concerné, les avis formulés par les autorités.

En outre, l’article 6, paragraphe 3 qui se réfère à la mise à disposition du public concerné des « principaux rapports et avis adressés à l’autorité ou aux autorités compétentes ne renvoie pas non plus à l’article 6, paragraphe 1, de cette directive, mais renvoie, au contraire, au droit des États membres.

Enfin, l’article 6, paragraphe 3 limite la communication au public des principaux rapports et avis existants « au moment où le public concerné est informé ».

La Cour en conclut qu’il ne peut pas être déduit non plus de cette disposition que lesdits avis doivent, en toute hypothèse, faire partie des informations servant de base à la consultation du public concerné, même si une réglementation nationale peut le prévoir.

Dès lors, la Cour considère qu’il est loisible aux États membres de réaliser les consultations des autorités susceptibles d’être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d’environnement ou de leurs compétences locales et régionales, d’une part, et du public concerné, d’autre part, concomitamment et sans que le public puisse adresser, à l’autorité compétente pour autoriser ledit projet, ses observations et avis sur les avis.

En outre, il découle des considérants 31 à 33 de la directive 2014/52 que, par les modifications apportées à l’article 5 et à l’annexe IV de la directive 2011/92, le législateur de l’Union a veillé à ce que les données et les informations fournies par le maître d’ouvrage dans ledit rapport soient complètes et de qualité suffisamment élevée et que, à cette fin, les experts auxquels il est fait appel pour élaborer les rapports d’évaluation des incidences sur l’environnement d’un projet soumis à la directive EIE soient qualifiés et compétents.

Il en ressort, pour la Cour, que, dans la mesure où le public concerné dispose, aux fins de sa consultation dans le cadre du processus d’évaluation et d’autorisation des projets soumis à la directive EIE, de toutes les informations visées à l’article 6, paragraphes 2 et 3, de cette directive et surtout, pendant au moins 30 jours, du rapport d’évaluation des incidences sur l’environnement élaboré conformément aux exigences de l’article 5 de ladite directive ainsi que de son annexe IV, la participation du public concerné peut être considérée comme étant effective. En revanche, il n’est pas nécessaire, à cette fin, que le public concerné soit, en toute hypothèse, habilité à s’exprimer, dans le cadre de cette consultation, également sur les avis formulés, au titre de l’article 6, paragraphe 1, de la directive EIE, par les autorités visées dans cette dernière disposition.

La Cour estime enfin qu’une solution contraire pourrait s’avérer excessivement lourde pour les administrations nationales concernées et allonger la procédure, ce qui ne serait pas compatible avec l’objectif d’un processus décisionnel efficace évoqué au considérant 36 de la directive 2014/52.

Pour ces raisons, la Cour a considéré que :

La directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, telle que modifiée par la directive 2014/52/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une législation d’un État membre selon laquelle, dans le cadre d’une procédure d’évaluation des incidences sur l’environnement d’un projet soumis à cette directive, les autorités susceptibles d’être concernées par ce projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d’environnement ou de leurs compétences locales et régionales, sont consultées en même temps que le public concerné, sans que ce dernier soit ensuite habilité à adresser, à l’autorité ou aux autorités compétentes pour autoriser ledit projet, ses observations et avis sur les avis donnés dans ce cadre par les autorités consultées.

Pour accéder à la décision de la Cour, suivez le lien : https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=303019&pageIndex=0&doclang=FR&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=6165931.

 

 

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