Le litige oppose une entreprise de fourniture d’énergie thermique bulgare à une personne physique, au sujet d’une action en paiement de factures relatives à la fourniture d’énergie thermique au sein d’un immeuble en copropriété raccordé à un système de chauffage urbain.
L’article 9, paragraphes 1 et 3, de la directive 2012/27/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relative à l’efficacité énergétique dispose que :
« 1. Les États membres veillent à ce que, dans la mesure où cela est techniquement possible, financièrement raisonnable et proportionné compte tenu des économies d’énergie potentielles, les clients finals d’électricité, de gaz naturel, de chaleur et de froid ainsi que d’eau chaude sanitaire reçoivent, à des prix concurrentiels, des compteurs individuels qui indiquent avec précision la consommation réelle d’énergie du client final et qui donnent des informations sur le moment où l’énergie a été utilisée.
Un tel compteur individuel à des prix concurrentiels est toujours fourni :
- a) lorsqu’un compteur existant est remplacé, à moins que cela ne soit pas techniquement possible ou rentable au regard des économies potentielles estimées à long terme ;
- b) lorsqu’il est procédé à un raccordement dans un bâtiment neuf ou qu’un bâtiment fait l’objet de travaux de rénovation importants, tels que définis dans la [directive 2010/31/UE du Parlement européen et du Conseil, du 19 mai 2010, sur la performance énergétique des bâtiments (JO 2010, L 153, p. 13)].
[…]
- Lorsqu’un bâtiment est alimenté en chaleur et en froid ou en eau chaude par un réseau de chaleur ou par une installation centrale desservant plusieurs bâtiments, un compteur de chaleur ou d’eau chaude est installé sur l’échangeur de chaleur ou au point de livraison.
Dans les immeubles comprenant plusieurs appartements et les immeubles mixtes équipés d’une installation centrale de chaleur/froid ou alimentés par un réseau de chaleur ou une installation centrale desservant plusieurs bâtiments, des compteurs individuels de consommation sont également installés d’ici au 31 décembre 2016 pour mesurer la consommation de chaleur, de froid ou d’eau chaude de chaque unité, lorsque cela est techniquement possible et rentable. Lorsqu’il n’est pas rentable ou techniquement possible d’utiliser des compteurs individuels pour mesurer la consommation de chaleur, des répartiteurs des frais de chauffage individuels sont utilisés pour mesurer la consommation de chaleur à chaque radiateur, à moins que l’État membre en question ne démontre que l’installation de tels répartiteurs n’est pas rentable. Dans ces cas, d’autres méthodes rentables permettant de mesurer la consommation de chaleur peuvent être envisagées.
Lorsque des immeubles comprenant plusieurs appartements sont alimentés par un réseau de chaleur ou de froid ou lorsque de tels bâtiments sont principalement alimentés par des systèmes de chaleur ou de froid collectifs, les États membres peuvent introduire des règles transparentes concernant la répartition des frais liés à la consommation thermique ou d’eau chaude dans ces immeubles, afin d’assurer une comptabilisation transparente et exacte de la consommation individuelle. Au besoin, ces règles comportent des orientations en ce qui concerne la répartition des frais liés à la consommation de chaleur et/ou d’eau chaude comme suit :
- a) l’eau chaude destinée aux besoins domestiques ;
- b) la chaleur rayonnée par l’installation du bâtiment et aux fins du chauffage des zones communes (lorsque les cages d’escaliers et les couloirs sont équipés de radiateurs) ;
- c) le chauffage des appartements. »
La société de Chauffage a, dans le cadre de cette affaire, réclamé une somme de 519 leva bulgares (BGN) (environ 265 euros), au titre de sa consommation d’énergie thermique pendant la période allant du 1er mai 2018 au 31 octobre 2020, somme qui n’a pas été acquittée.
Le propriétaire de l’appartement n’ayant pas payé ces montants le distributeur a saisi le tribunal d’arrondissement de Plovdiv, Bulgarie afin d’ebtenir la condamnation au paiement de ces sommes.
Le consomateur conteste être redevable des sommes réclamées au motif notamment que la formule mathématique visée au point 6.1.1 de la méthodologie sur la base de laquelle est calculée la répartition de la consommation d’énergie thermique entre les différents copropriétaires est contraire au droit de l’Union.
À cet égard, la juridiction de renvoi émet des doutes quant à la compatibilité de la méthodologie avec l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2012/27. Dans ce contexte, elle relève que les éléments de la formule mathématique figurant au point 6.1.1 de la méthodologie ne sont pas clairs et que, au regard des éléments pris en compte dans cette formule, il est fort probable que les montants réclamés aux consommateurs qui ne consomment pas d’énergie thermique dans leurs logements soient trop élevés. En effet, ladite formule serait basée sur des données théoriques figurant dans les projets de réalisation des installations de chauffage, sans tenir compte des conditions réelles dans lesquelles ces installations fonctionnent en pratique et sans savoir si ces conditions réelles sont les mêmes que celles qui ont été théoriquement prévues.
Dans ces conditions, le Rayonen sad Plovdiv (tribunal d’arrondissement de Plovdiv) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) L’article 9, paragraphe 3, de la directive [2012/27] ainsi que l’article 169 TFUE permettent-ils que des frais soient acquittés pour l’énergie thermique émise par l’installation du bâtiment, lorsque les cages d’escaliers et les couloirs du bâtiment ne sont pas équipés de radiateurs ?
2) L’article 9, paragraphe 3, de la directive [2012/27] ainsi que l’article 169 TFUE autorisent-ils une entreprise de chauffage urbain à réclamer, sur le fondement d’une réglementation nationale, le paiement de l’énergie thermique utilisée par une installation du bâtiment, alors que la quantité d’énergie thermique est déterminée sur la base d’une formule établie par l’administration qui :
– introduit un coefficient tenant compte de la proportion de la puissance installée de l’installation du bâtiment par rapport à la puissance totale de l’installation de chauffage, sans que la manière dont ce coefficient est élaboré soit claire ;
– utilise une puissance installée de l’installation du bâtiment qui ne tient pas compte des puissances réellement installées ;
– ne prend pas en considération la température du vecteur thermique dans l’installation du bâtiment ;
– présume un fonctionnement permanent de l’installation à une puissance maximale ;
– ne prend pas en considération les effets spécifiques des différents types de systèmes de chauffage (en l’occurrence, le système “Tichelmann”) qui sont tous mis sur un pied d’égalité quant à leurs effets ;
– considère d’emblée que la température des immeubles en copropriété s’élève à 19 °C.
Tout d’abord, il convient de relever que la directive 2012/27 a pour objectif, conformément à son article 1er, de promouvoir une meilleure efficacité énergétique. Dans ce contexte et ainsi qu’il ressort du considérant 8 de cette directive, toute la chaîne énergétique, du producteur d’énergie au client final qui la consomme, est sollicitée pour atteindre cet objectif.
À cet égard, en vertu de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2012/27, les États membres veillent à ce que, dans la mesure où cela est techniquement possible, financièrement raisonnable et proportionné, les clients finals reçoivent des compteurs individuels qui indiquent avec précision la consommation réelle d’énergie et qui donnent des informations sur le moment où l’énergie a été utilisée.
Plus particulièrement, dans une situation, telle que celle en cause au principal, où il s’agit d’immeubles comprenant plusieurs appartements raccordés à un réseau de chaleur, l’article 9, paragraphe 3, deuxième alinéa, de cette directive prévoit que des compteurs individuels de consommation devaient être installés pour le 31 décembre 2016 au plus tard, afin de permettre de mesurer la consommation de chaleur, de froid ou d’eau chaude de chaque unité, lorsque cela est techniquement possible et rentable. Cette disposition précise en outre que, lorsqu’il n’est pas rentable ou techniquement possible d’utiliser de tels compteurs, des répartiteurs des frais de chauffage individuels doivent être utilisés pour mesurer la consommation de chaleur au niveau de chaque radiateur, les États membres pouvant toutefois envisager d’autres méthodes rentables permettant de mesurer la consommation de chaleur.
Ainsi qu’il ressort de l’article 1er de la directive 2012/27, lu à la lumière du considérant 20 de celle-ci, les États membres disposent d’une large marge de manœuvre tant quant au choix des mesures adaptées pour réduire la consommation d’énergie que des modalités de mise en œuvre de celles-ci. À ce titre, ils peuvent notamment prévoir des règles transparentes portant sur la répartition des frais liés à la consommation d’énergie thermique ou d’eau chaude dans les immeubles à appartements. Plutôt que d’opter pour une réglementation précise et exhaustive, les États membres peuvent également prévoir un cadre général laissant une marge de manœuvre aux copropriétés.
Dans certains immeubles en copropriété raccordé à un réseau de chaleur, comme l’immeuble en cause au principal, il paraît difficilement concevable de pouvoir individualiser entièrement les factures relatives au chauffage, notamment pour ce qui est de l’installation intérieure, c’est-à-dire de l’ensemble des conduits et des installations de distribution ainsi que de fourniture d’énergie thermique à l’intérieur du bâtiment concerné, et des parties communes. Concernant plus particulièrement l’installation intérieure, il peut s’avérer difficile, voire impossible, de déterminer avec précision la quantité de chaleur émise par cette installation dans chaque appartement. En effet, cette quantité comporte non seulement la chaleur émise à l’intérieur de l’appartement concerné par les éléments matériels de l’installation intérieure, mais aussi les échanges thermiques entre les locaux chauffés et les locaux non chauffés. En effet, les appartements d’un immeuble en copropriété ne sont pas indépendants les uns des autres sur le plan thermique, puisque la chaleur circule entre les unités chauffées et celles qui le sont moins ou ne le sont pas.
La Cour constate qu’en l’espèce, bien que la formule mathématique visée au point 6.1.1 de la méthodologie soit fondée sur certaines données objectives, il ressort du dossier dont dispose la Cour, sous réserve des vérifications qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’effectuer, qu’elle ne prend pas en considération un certain nombre de paramètres liés au fonctionnement réel de l’installation de chauffage en cause au principal. Il conviendrait en effet notamment qu’une telle formule prenne en compte les caractéristiques spécifiques de l’immeuble, telles que son isolation et celle du système de chauffage, les matériaux utilisés pour ce système ainsi qu’une éventuelle déperdition de chaleur.
Pour elle, il semble donc que la formule mathématique visée au point 6.1.1 de la méthodologie, sur la base de laquelle sont calculés les frais liés à la consommation d’énergie thermique dans les immeubles en copropriété, ne permet pas une comptabilisation transparente et exacte de la consommation individuelle, au sens de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2012/27.
Eu égard à l’ensemble des motifs qui précèdent, il convient de répondre aux première à quatrième questions que l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2012/27 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale en vertu de laquelle le propriétaire d’un appartement au sein d’un immeuble en copropriété est tenu de s’acquitter des frais qui lui sont facturés au titre de l’énergie thermique émise par l’ensemble des conduits et des installations de distribution et de fourniture d’énergie thermique à l’intérieur du bâtiment, y compris lorsque les cages d’escaliers et les couloirs du bâtiment ne sont pas équipés de radiateurs, à concurrence d’une part proportionnelle au volume chauffé de son appartement, pour autant que les règles et paramètres sur la base desquels les frais qui lui sont facturés au titre de sa consommation individuelle d’énergie thermique destinée au chauffage de son appartement et de l’eau chaude à usage domestique sont calculés garantissent la transparence et l’exactitude de la comptabilisation de la consommation individuelle. Il appartient à la juridiction de fond dé vérifier ces éléments.
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