Dans un arrêt du 6 mai 2025 (L.F. et autres c. Italie) la Cour européenne des droits de l’Homme condamne l’Italie pour ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour protéger les populations contre la pollution provenant d’une fonderie depuis 2006 (violation de l’article 8 de la convention – droit au respect de la vie privée ).
Les requérants sont 153 ressortissants italiens résidant à Baronissi, Pellezzano et Salerne (Italie).
L’affaire concerne la pollution causée par une fonderie située à proximité du domicile des requérants dans la commune de Salerne exploitée depuis 1960. En 2006, la zone industrielle où elle était située fut classée zone résidentielle, sous réserve de la délocalisation de cette usine.
Aucune délocalisation n’a eu lieu, mais la zone fut néanmoins ouverte à l’urbanisation résidentielle.
La fonderie a fait l’objet de nombreuses inspections et procédures administratives et pénales qui constatèrent toutes des lacunes dans son fonctionnement. À partir de 2016, les autorités prirent des mesures, accompagnées d’un suivi, afin de réduire le plus possible les effets néfastes de la fonderie sur l’environnement et sur la santé de la population locale.
Les requérants invoquent les articles 2 (droit à la vie) et 8 (droit au respect de la vie privée et familiale), et font état que l’autorisation par l’État du développement résidentiel autour de la fonderie et le manquement de ce dernier à prendre les mesures nécessaires contre la pollution a causé un préjudice grave à l’environnement, mis en danger leur vie et leur santé et porté atteinte à leur bien-être personnel. Plusieurs d’entre eux font spécifiquement valoir qu’ils souffrent de maladies cardiovasculaires, respiratoires et neurologiques.
Les requérants allèguent également que les autorités ont manqué à les informer des risques de vivre dans les alentours de l’usine et à les associer au processus décisionnel concernant l’autorisation de son exploitation.
La Cour considère que les autorités nationales italiennes ont été incapables de prendre prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la protection effective des droits des demandeurs et particulièrement des personnes, vivant dans un rayon de six kilomètres de la centrale, plus vulnérable aux maladies dues à la pollution et ce, malgré les effets tangibles des mesures prises pour l’après-2016 visant à réduire les effets néfastes de l’exploitation de la fonderie.
La Cour observe qu’après la publication du décret n° 85/2020, les demandeurs ont continué à signaler des émissions nauséabondes et fumées confirmées dans un rapport du 18 juillet 2022. La Cour note également que dans ce rapport, l’impact sur la population locale n’était pas nécessairement lié à des lacunes, mais a été traité davantage comme un événement potentiellement ordinaire, compte tenu de l’âge de l’usine et de son emplacement actuel dans une région densément peuplée.
La Cour note que les activités de surveillance menées à la suite de la promulgation du décret n° 85/2020 se référaient aux limites législatives pour les zones industrielles et non aux niveaux inférieurs établis par le droit national pour les zones résidentielles.
La Cour estime que, même après la promulgation du décret n° 85/2020, un juste équilibre a été mis entre, d’une part, l’intérêt des requérants à ne pas souffrir atteintes graves à l’environnement qui pourraient affecter leur vie privée et, sur le l’autre, l’intérêt de la société dans son ensemble.
Pour ces raisons, la Cour :
Dit, à l’unanimité, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention;
Dit, par six voix contre une, que la constatation d’une violation constitue
suffisait à titre équitable pour couvrir le préjudice moral subi par les demandeurs ;
L’Italie doit en outre doit verser aux requérants, conjointement, dans un délai trois mois à compter de la date à laquelle le jugement est devenu définitif en conformément à l’article 44 § 2 de la Convention :
(i) 1.700 euros (mille sept cents euros), à titre de frais et dépens encourus devant les juridictions nationales;
(ii) 7.000 euros (sept mille euros), au titre des frais et dépens encourus devant la Cour.
La Cour ne fait pas droit à la demande des requérants d’indiquer à l’Italie les mesures pour réduire la pollution, une violation de la Convention imposant à l’État défendeur l’obligation de choisir les mesures générales à adopter dans son ordre juridique interne pour mettre fin à la violation constatée par la Cour et en corriger autant que possible les effets. La Cour n’indique qu’exceptionnellement le type de mesures générales qui pourraient être prises pour mettre fin à la situation constatée.
L’arrêt est consultable via le lien suivant : file:///C:/Users/Beno%C3%AEt%20Havet/Downloads/Arr%C3%AAts%20du%2006.05.2025%20(3).pdf.